mercredi 22 juin 2011
samedi 11 juin 2011
Le voyage
"Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!"
Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!"
Extrait de " Le voyage", de Charles Baudelaire.
"But the true travelers are they who depart
For departing's sake; with hearts light as balloons,
They never swerve from their destinies,
Saying continuously, without knowing why: "Let us go on!"
The Journey, written by Charles Baudelaire
(Translation by Geoffrey Wagner, NY: Grove Press, 1974)
vendredi 3 juin 2011
jeudi 2 juin 2011
Me zo ganet e-kreis an-douarou
« Je suis né au milieu de terres ». La betterave, quoi qu’on en dise, fut ma matrice.
Pour le reste :
Elle nous amène les eaux océanes à nous qui vivons àl’intérieur des terres. La pluie tombe depuis plusieurs jours. L’Argoat, pays des bois, s’adoucit. Même le granit se délite. Amzer du ; temps noir.
J’enfile mon bleu trop petit de deux tailles – leg de mon père, maigre protection pour cette journée de dur labeur à venir. Vu de l’extérieur, il n’a pas un pli. J’ai la même silhouette que les masses granitiques qui peuplent les landes de Locarn : Gonflée à bloc. Les coutures en sus.
Apaisé par ces nuits pluvieuses – les averses diluent les images encombrantes et permettent à l’esprit de rester éveillé, frais et disposé -, je quitte Saint-Nicodème ou je vis pour rejoindre Pont-Melvez où je travaille comme commis vacher,15 Km à tout cassé.
Par ici, toutes les routes sont bonnes à fréquenter. C’est toujours le désir d’un certain voyage qui justifie mon choix (par Bulat Pestivien ou par Mael-Pestivien ? par la D31 ou par la D20 ?). Qu’importe, on reste en Centre Bretagne, pays des « Menez », et des hommes à casquette qui jouent parfois du treunjeen-gaol et dansent la gavotte.
« Ma femme ? Elle vient ici, elle se tape une déprime. Déjà qu’elle n’a pas de boulot, alors dans ce trou perdu… ». L’électricien qui caractérise de la sorte mon lieu de vie me facture, en plus de la réparation, un supplément, car ici : « C’est la zone 3, vous comprenez. On n’y vient presque jamais. C’est vraiment loin de tout. Il n’y a rien ! ».
Rien. Juste du vide ?
Penn ar Feunten – Farlaouen – Kerdonc’h – Pempoulrot – Lampoul Izellan – Quillaëron – Kerpouriet – Coz Porzou – Garz an Cloarec – Quenez Braz.
Musique du vide ! Et dédicace pour madame la femme de l’électricien !
Une aile blanche bat sur le coté de la route, face à la chapelle de Burthulet. Salut pathétique d’une sterne que des vents fous ont dû précipiter sur les fils génialement disposés sur cette crête. Je sais gré aux mouettes de vagabonder quelques fois par ici. Leur seule présence abolie la distance qui nous sépare de la mer. Facilement, je les imagine dans leur bocage céleste – frère jumeau d’un bocage terrien patiemment tissé, élevé, que notre société assassine et gomme en un tour de main – leurs routes pourtant ne font suer personne et, à mon humble avis, tendent toutes vers une résolution des énigmes de l’Univers.
« Jamais le sentier
qu’inscrit au sol
l’homme qui marche
n’est droit.
D’instinct
Sans qu’il en décide
Il le trace ondulé
Souple comme la pensée
Les caresses »
Ce poème de Gabrielle Marquet est dédié a cette mouette voyageuse.
L’aile de la sterne est arrachée. Je la prends par le ventre et le cou, et la dépose dans un carton à l’arrière de l’auto. C’est parce qu’elle a encore un bon coup de bec et un œil vif que je lui crois encore un avenir. Plus tard, lorsqu’une vétérinaire de Chatelaudren lui injectera une dose mortifère, je saurais que tel n’est pas le cas. Pourtant, « Prendre l’air était son métier », comme l’écrivait Georges Perros.
Je continue ma route. Certain que cet intersigne va me turlupiner durant les jours prochains.
Bulat Pestivien. La première fois que je suis venu ici, il pleuvait, on ne peut mieux.
« Pluies
Rages viriles
Sur les tuiles »,
chantait Xavier Grall.
Ce jour-là, au milieu des gouttes fulminantes frappées par l’essuie-glace, la flèche de l’église de Bulat m’est entrée toute entière dans l’âme (la mienne goûte le pain, le beurre salé, le lait et la bière. Oui, je sais. Ce n’est pas un heureux mélange. On fait avec ce que l’on a). Et puis, à Bulat, il y avait ce bistrot en face de l’église. Plusieurs fois, j’y ai amené des amis. On cassait la croûte, du pain, un boîte de sardines et des demis. Les gars du coin racontait toujours des histoires incroyables comme l’histoire de ce gars qui avait passé une grande partie de sa vie a ne manger que du chocolat. À la petite cuillère ! Merde, je voudrais bien en faire autant ! Et la tenancière, dont je ne sais pas le p’tit nom, était une femme impeccable !
C’est ce que j’aime en Centre Bretagne ; des routes et des chemins qui zigzaguent à qui mieux mieux. À chaque virage, on se décharge d’une préoccupation quelconque, On fait le vide. En voiture, bien sur cela coûte le prix de l’essence. À pied, c’est tout bonus. Et puis, on a le bonheur de dire salut aux talus, cette merveille de l’Humanité ! On se laisse aller à un nouvel espace, à une grande rêverie métaphysique. On mange des mûrs, des badilles, on mâchouille des brins d’herbe, on rencontre des fontaines oubliées et l’on entrevoit des chevreuils, ou des renards joueurs qui se tapent quelques souris quand les foins sont coupés. Parfois même, on a la chance de croiser des artistes comme ce gars-là ou ce gars-ci.
Le centre Bretagne est un sacré labyrinthe où la vie prend tout son sens.
La flèche de l’église de Bulat, il me plait toujours de la deviner, de la voir (et même d’y monter comme cela a pu m’arriver). En contrebas de ses murs, des croquemitaines de la DDE (direction départemental de l’équipement ont plantés leur rond-point fa-tal. « C’est cela le fascisme aujourd’hui. Il opère dans le végétal, au cordeau. On a tué ainsi en Bretagne, la fantaisie et le charme d’un merveilleux réseau vicinal. La France technicienne n’en a rien a faire », écrit Charles le Quintrec. Et je ne parle pas des géraniums, des maisons Balac ces espèces de champignons de Schtroumfs constuits pour des gars de la ville qui viennent s’installent à la campagne mais qui ne veulent pas que les vaches bousent devant leur maison, ou que les coqs chantent à tout va. Les pauvres !
Revenons à nos moutons : Le Pibroch (Piobaireachd), est un instrument celtique très ancien. Rares sont ceux qui en jouent (même mon ami Marc qui adore l’Ecosse et tutti quanti ne joue pas de cet instrument) Plus rares encore sont ceux qui vont à un récital de Pibroch. Mais quelle genre de musique produit au juste un Pibroch? En gros : À partir d’un même thème, les joueurs de Pibroch font des variations, un peu à la manière des variations Goldberg de Johann Sebastian Bach. Fréquemment, il arrive que la quinzaine d’auditeurs qui daignent assister au recital, s’endorment profondément. Les musiciens considèrent alors que la partie est gagnée. Pour tout dire, un auditeur endormi est beaucoup plus réceptif à la musique. Sa conscience se fait Loch et Landes, Grèves et ondée, Rocs rudes et Genets, fluide aux limites imprécises, elle devient illimitée. Que dire ? Que je suis d’accord avec ça a 100% ? Ouais ! Tranquille.
Pour conclure (avant d’y revenir un jour ou l’autre. Plutôt l’autre), quelques mots de Per Jakez Helias : « Mon pays sent très pur, très fort, il sentait plutôt, je veux dire. Son parfum s’en va tous les jours avec les noms des vieux chemins. Dolly Pentraeth, il est grand temps de laisser allez ceux qu’on aime. Le monde à changé son odeur. Ou notre odeur à changé de monde ».
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